[c.August 1733]
…Depuis votre départ, l'illustre Voltaire a été brutalement taxé par nos comédiens italiens, dans une pièce, qui attire la foule, sous ce titre, Le Temple du goût.
Il y est représenté en personne, comme un vrai fat, & un sot parfait, plein de lui même, qui se mêle de juger de tout à tort & à travers, sans nul goût ni jugement, & qui ne trouve rien de bon que ce qu'il fait. Deux ou trois seigneurs avaient employé leur crédit, pour empêcher que cette pièce ne fût jouée. Elle avait été rejettée; mais, les comédiens étant venus à la charge, le ministère a demandé à la voir. Après l'examen qui en a été fait, il a été décidé qu'elle serait représentée. Il n'y a pas de doute, qu'on n'ait voulu mortifier cet esprit trop hardi, & le punir par là de certaines vérités répandues dans ses ouvrages, & qui ne sont pas au gré de certains gens. Il a été, à ce qu'on dit, vivement touché de cet affront; & je crains que sa santé, déjà très faible, n'en ait été fort altérée. Vous ne sauriez croire combien de gens ont applaudi à cette satire. Pour moi j'en ai eu le cœur percé; ne pouvant digérer, qu'un des plus beaux esprits de France fût ainsi traité. A la bonne heure, qu'on eût critiqué son Temple:il y a de quoi: mais, on va ici jusqu'au personnel, & sans nul ménagement….