1733-05-25, de Voltaire [François Marie Arouet] à Joseph David de Sade.

Trio charmant, que je remarque
Parmi ceux qui sont mon appui,
Trio par qui Laure, aujourd'hui,
Revient de la fatale barque,
Vous qui b . . . . mieux que Pétrarque,
Et rimez aussi bien que lui,
Je ne peux quitter mon étui
Pour le souper où l'on m'embarque;
Car la cousine de la Parque,
La fièvre au minois catarrheux,
A la marche vive, inégale,
A l’œil hagard, au cerveau creux
De mes jours compagne infernale,
Me réduit, pauvre vaporeux,
A la nécessité fatale
D'avaler les juleps affreux
Dont monsieur Geoffroi me régale,
Tandis que, d'un gosier heureux,
Vous humez la liqueur vitale
D'un vin brillant et savoureux.

Pardonnez moi, messieurs de la trinité; pardonnez moi, et plaignez moi. Vous voulez bien aussi que je vous confie combien je suis fâché de manquer une partie avec m. de Surgères, que j'ai chanté fort mal, mais à qui je suis attaché comme si j'avais fait pour lui les plus beaux vers du monde.

Si monsieur de Formont, avant de partir, ne vient point me parler un peu de sa douce et charmante philosophie, je vise au transport et je suis un homme perdu. Buvez, messieurs; soyez gais et bien aimables, car il faut que chacun fasse son métier. Le mien est de vous regretter, de vous être tendrement dévoué, et d'enrager.