Ferney 18e auguste 1776
Mon cher ami, vous ne pouviez pas plus prévoir et empêcher la triste et ridicule affaire qui vous arrive que la grêle qui ruine une campagne, ou l'incendie qui brûle un village.
J'espère pourtant que vous éteindrez le feu, et que la grêle ne sera pas dangereuse.
Made De st Julien écrira de tous côtés. Made Denis, comme vous savez, n'écrit à personne, et loin de pouvoir être utile auprès du parlement de Bourgogne, elle a elle même à ce parlement ainsi que son vieil oncle, une affaire très considérable, très désagréable, très dispendieuse, dont nous paions tous les frais, et dont nous avalons toute l'amertume. Elle quitte dans peu de jours cette province chicaneuse, moins par l'extrême dégoût que son procez lui cause, que par l'intérêt de sa santé. Elle va consulter Tronchin, aulieu de consulter des avocats. Je reste chargé de cent fardeaux que je ne peux plus porter, et de cent maisons qu'il faut paier. Tout celà est un peu dur à quatre vingt deux ans. Vous voiez que chacun a ses peines. Le gros abbé Mignot a les siennes. Prèsque tous les hommes sont embarqués dans une mer un peu orageuse.
Je voudrais bien que vôtre affaire avec Mr De Damas fût aisée à accomoder. Ses procédés avec vous sont cruels, mais ce sont des gens d'un grand nom, et vous voiez qu'ils ont de la protection.
Adieu, mon cher ami, les procez sont quelque chose de bien triste, la vieillesse et les maladies sont beaucoup plus tristes encor. Mes très humbles obéissances à vôtre compagne, c'est une vraie héroïne.
V.