1733-05-04, de Pierre Robert Le Cornier de Cideville à Voltaire [François Marie Arouet].
Comme Le soufle des Zephirs
Après un rude hiver par sa douce influence
Anonce les beaux jours, les fleurs, et les Plaisirs,
Ainsi La flateuse Espérance
Vient après les rigueurs d'une trop longue absence
Vous promettre à tous nos désirs.
Mais le Printemps en vain a Paré nos Préries
De l'Email riant de ses fleurs
Si d un froid ennemi Les pesantes longueurs
Glacent nos testes engourdies,
Si nous ne voyons plus nos tendres Bergeries
Atravers ces riches couleurs
Des Poétiques Resveries.
Revenés dessiller nos yeux
Et de divinités repeupler nos Campagnes;
Que conduisant la joye et les Ris et les jeux
Bacchus descende des montagnes,
Qu'Amour en des bois retirés
Au faune libertin qu'il place en embuscade
Montre au sortir du bain la Pudique Nayade
Dansant sur la pointe des Prés.
De vostre divine Peinture
Tels sont grand Apollon Les miracles divers,
Tel est l'enchantement des vers,
Il sait à nos yeux plus ouverts
Dévoiler une autre Nature.
Revenés cher Voltaire à l'ombre des forêts;
Sur le penchant d'une colline
La santé vous attend, cette nymphe divine
A l'air amoureux, au teint frais
Sur qui la Rhubarbe assassine
Ny le fer de la Médecine
N'ont point fait leur traitres essais,
Qui contente de simples mets
Sait réduire tous les secrets
A ne point avoir de cuisine,
Et par un doux travail à mériter la paix
D'un repos que rien ne chagrine.
Revenés avec nous jouir de ses bienfaits
Et si vostre aimable présence
Embelit ces sauvages lieux,
Si vous nous montrés comme on pense
Vous aprendrés en récompense
Le grand art de vous rendre heureux.