1766-04-30, de Pierre Antoine de La Place à chevalier de Ch..

Monsieur,

Mes sentiments aussi légitimes, que connus de tous les temps pour m. de Voltaire, vous sont de sûrs garants de ceux que m'inspire la lettre que vous avez la bonté de m'écrire au sujet de l'odieuse satire attribuée au Mercure de France, & dont je suis, s'il est possible, encore plus indigné que vous.
Ce qui m'étonne en même temps, c'est que le journaliste anglais, que l'on me dit très estimable, ait pu ne pas sentir qu'une déclaration de ce genre, bien loin d'avoir dû trouver place dans un ouvrage périodique français tel que le nôtre, où l'indécence & la calomnie n'en trouvèrent jamais, ne pouvait être que celui d'une cabale aussi obscure que méprisable. Mais que peuvent contre des talents aussi sublimes qu'universellement reconnus, tous ces traits aussi faibles que de si bas lancés? … Le chantre de Henry peut il en redouter les traits?

. . . L'aigle au milieu des airs,
Planant au-dessus des collines,
Se jouant parmi les éclairs;
Du haut de ces voûtes divines,
Voit elle â l'ombre des buissons,
Les dards des mouches libertines,
Et les haines des papillons?

Je n'applaudis pas moins, monsieur, à ce que vous a dicté votre zèle pour la gloire de l'homme illustre, qui sûrement aurait moins d'envieux si son nom était moins célèbre, & vous supplie de me croire avec les sentiments de la plus respectueuse reconnaissance, &c.

de La Place