le 22 7bre 1749
Quelle horible nouvelle, Mr. et très cher ami; j'en suis pénétré, j'en demeure confondu, et quand j'ay moy mesme le plus de besoin de consolation, il faut que je console le plus aimé, mais le plus sensible de tous mes amis; je sens toute l'étendüe de vostre perte, je sens trop la douceur de l'habitude de vivre avec une amie tendre et spirituelle, pour ne pas m'imaginer le vuide afreux, qui reste autour de vous, quand vous avés le malheur d'en estre privé; Revenés promptement à Paris, et surtout ne soyés pas seul: quelque resource que vous ayés dans vous mesme, je connois trop vostre coeur, pour penser que les distractions de l'Esprit puissent vaincre vostre excessive douleur; quand on perd ce qu'on aime, on ne peut espérer de soulagement que de la part de ceux, qui nous restent pour nous aimer; c'est à eux à supléer à ce qui nous manque par un redoublement de Tendresse; vous savés combien vous estes cher à vos amis, Revenés dans leur bras; j'envie à mde Denis et à mr. D'Argental &c. le plaisir douloureux de mesler leurs larmes avec les vostres; je volerois vers vous, si vous n'aviés pas de si puissans et de si aimables secours; je partageray dumoins le plus sincèrement vostre affliction, comme j'ay pris toujours la plus grande part à vostre gloire.
Je vous embrasse de tout mon coeur.
C.