1731-09-03, de Voltaire [François Marie Arouet] à Pierre Robert Le Cornier de Cideville.

J'ay été bien malade mon cher amy, je n'ay pu ny vous écrire [ny . . . ny . . .] je remets son entrée à la st Martin.
Je vais passer le mois de septembre tout seul à Arcueil dans la maison de mr le prince de Guise qu'il a la bonté de me prêter. Il est juste que les descendants du Balafré et du jeune d'Aumale fassent quelque chose pour moy. Je passeray mon temps à corriger sérieusement Eriph. que les comédiens demandent avec empressement; Androgide me déplait plus que jamais. Eriphile n’étoit pas plus effrayée de ce coquin là que je le suis. Je vous diray avec une très méchante plaisanterie, qu'il a trop l'air d'avoir foutu la reine et que pour moy il me fout. Je voudrois bien savoir si pareille chose vous arrive avec votre troisième acte, ou autrement que mon exemple vous encourage. Achevez votre besogne pendant que je corrige la mienne, laissez les avocats faire les fainéants pour le bien de l’état et achevez pour les plaisirs du public et pour votre gloire ce que vous avez commencé si heureusement. Je suis bien foible, et j'ay la tête bien étonnée encore. C'est ce qui fait que je n’écris point à monsieur de Formont. Mais je ne crois pas qu'il ait besoin de mes lettres pour savoir ce qu'il doit penser de mon estime et de ma tendre amitié pour luy. Vous contribuez furieusement l'un et l'autre à me faire regreter Roüen. J'espère vous revoir dès qu'Eriphile aura été jouée. En attendant je vais travailler comme un bau diable pour mériter un peu votre sufrage et justifier les sentiments que vous avez pour moy.

Le parlement s'assemble demain pour mortifier s'il peut l’évêque de Laon. Touttes ces tracasseries ne m'intéressent guères; je ne me mêle plus que de ce qui se fait à Argos. Adieu mon cher amy, mille tendres compliments je vous en suplie à mr de Formont.

V.