à Paris ce 20 nov. 1731
Mon cher et aimable Cideville, ayant ouï dire que vous étiez à la campagne, j'ay adressé à mr Formont un paquet de Charles 12 dans le quel vous trouverez un exemplaire pour le p. p. et un autre pour mr des Forges.
Il y a aussi une lettre pour le p. p. que j'aurois bien souhaitté qu'il pût recevoir de votre main ut gratior foret. Mais comme le temps me presse un peu j'ay supplié mr de Formont de faire rendre la lettre et le livre en cas que vous fussiez absent; me flattant bien qu'à votre retour, vous répareriez par quelques petits mots ce qu'aura perdu ma lettre à n'être point présentée par vous. Je vous prieray bien aussi de continuer à mettre mr Desforges dans mes intérêts. Il faut qu'il continue ses bons procédez et puisqu'à votre considération il a favorisé l'impression du roy de Suede, il faut qu'il en empesche la contrefaçon, sans quoy il ne m'auroit rendu qu'un service onéreux, et comme le voilà mis grâce à vos bontez en train de m'obliger, il ne luy en coûtera pas d'avantage d'interdire tout d'un temps l'entrée de l'édition de mes œuvres faite à Amsterdam chez le Det, et des Bordes, la quelle couperoit la gorge à notre petite édition de Rouen que je compte venir achever cet hiver.
Voylà bien des importunitez de ma part mais la plus forte mon cher ami sera mon empressement pour Daphnis et Cloe, pour Antoine et Cleopatre et pour la dame Io. J'attends avec impatience cet ouvrage dont j'ay une idée si avantageuse. Que les raports des procez ne fassent point tort aux muses.
A l'égard de mon cothurne il ne passera qu'après celuy de la Grange. Ainsi Eriphile ne paroitra probablement qu'en février. Tant de délais sont bien favorables. Eriphile n'en vaudra que mieux, mais s'ils font du bien à la pièce, ils font bien du mal à l'autheur qu'ils privent trop longtemps de la douceur de vivre avec vous. Je suis toujours malade, toujours acablé des souffrances qui me persécutoient à Rouen; mais je vous avois pour ma consolation et vous me manquez aujourd'huy.