[?November 1724]
A quel misérable état faut il que je sois réduit de ne pouvoir répondre que de méchante prose aux vers charmans que vous m'avez envoiez?
Les souffrances dont je suis acablé ne me donnent pas un moment de relâche et à peine ai-je la force de vous écrire. Laudantur ubi non sunt cruciantur ubi sunt. Vous me prenez à votre avantage mon cher Cideville, mais si jamais j'ai de la santé, je vous répons que vous aurez des épitres en vers à votre tour. L'amitié et l'estime me les dicteront et me tiendront lieu du peu de génie poétique que j'avois autrefois et qui m'a quitté pour aller vous trouver. Adieu mon cher ami, feu ma muse salue très humblement la vôtre qui se porte à merveille. Pardonez à la maladie si je vous écris si peu de chose et si je vous exprime si mal la tendre amitié que j'ai pour vous.
Je salue les bonnes gens qui voudront se souvenir de moy.
Voltaire