A Wandsworth, 11/22 juillet 1728
Monsieur,
J'ai reçu votre obligeante lettre, et peu de jours après madame la comtesse de la Lippe m'a remis la médaille dont sa majesté a bien voulu m'honorer.
Je la garderai toute ma vie bien précieusement, puisqu'elle me vient d'une si grande reine et qu'elle représente la reine d'Angleterre, laquelle, par ses vertus et ses grandes qualités, fait aisément songer à la reine de Prusse.
Je vous supplie, monsieur, de vouloir bien présenter à sa majesté mes très humbles remerciements. Je suis honteux d'être si peu digne de ses bontés. Je voudrais pouvoir un jour avoir l'honneur de lui faire ma cour: il me semble que mes ouvrages en vaudraient mieux si j'avais de pareils modèles à peindre.
Je prends la liberté, monsieur, de vous envoyer dans ce paquet que j'adresse à m. Ostemback, résident de Prusse à Londres, un exemplaire d'une des éditions qu'on a faite à Londres de la Henriade. Elles sont toutes très incorrectes; je vous demande pardon pour les fautes de l'imprimeur et pour celles de l'auteur. Je n'ai aucun exemplaire de la grande édition in-4.; sans cela je ne manquerais pas d'avoir l'honneur de vous l'envoyer.
Rien ne me flatte plus que votre approbation. La récompense la plus noble de mon travail est de trouver grâce devant des reines comme la vôtre, et d'être estimé de lecteurs comme vous; car en fait de goût et de sciences, il ne faut point mettre de différence entre les têtes couronnées et les particuliers.
Je suis avec respect, monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire