à Paris ce 7 janvier 1744
Madame,
J'écris en vers au Roy, et à son altesse royale, mais la poésie ne me fournit rien d'assez fort pour remercier votre majesté.
J'auray devant les yeux toutte ma vie ce portrait de la meilleure Reine, de la meilleure mère qui soit au monde. J'ay reçu très tard ce présent qui renferme à la fois tout ce que nous avons de plus auguste et de plus aimable, et je me hâte d'en remercier votre majesté à l'instant que je le reçois.
Je luy demande très humblement pardon de n'avoir point joint à mes œuvres que j'ay pris la liberté de luy envoyer, cette tragédie de Zulime dont j'avois eu l'honneur de luy réciter deux actes, mais je l'ay baucoup retravaillée pour la rendre moins indigne d'être présentée à cette assemblée de déesses à qui j'ay eu le bonheur de faire verser quelques larmes. Toutte mon ambition madame est de venir mettre moy même, tout ce que j'ay fait aux pieds de votre majesté, et de travailler désormais sous ses yeux. Je ne veux peindre que des vertus, et surtout des vertus aimables, c'est donc dans l'attelier de Montbijou qu'il faut absolument que je travaille. Il est bien dur d'être loin de ses modèles. Cela glace le génie. Votre majesté sait avec quelle passion je désire de pouvoir passer dans sa cour le reste de ma vie.
Je suis avec le plus profond respect et la plus vive reconnaissance,
Madame,
de votre majesté
le très humble et très obéissant serviteur,
Voltaire