à Paris ce 15 may 1749
Je crois actuellement votre majesté à Neiss ou à Glogau faisant quelque bonne épigramme contre les Russes. Je vous supplie sire d'en faire aussi contre le mois de may qui mérite si peu le nom de printemps, et pendant le quel nous avons froid comme dans l'hiver. Il me paraît que ce mois de may est l'emblème des réputations mal aquises. Si les pillules dont votre majesté a honoré ma caducité peuvent me rendre quelque vigueur, je n'iray pas chercher les chambrières de M. de Valori. L'espèce féminine ne me feroit pas faire une demi Lieue, j'en ferais mille pour vous faire encor ma cour. Mais je vous prie de m'acorder une grâce qui vous coûtera peu; c'est de vouloir bien conquérir quelque province vers le midy, comme Naples, Sicile, ou le royaume de Grenade et l'Andalousie. Il y a plaisir à vivre dans ces pays là, où l'on a toujours chaud. Votre majesté ne manquera pas de les visiter tous les ans comme elle va au grand Glogau et j'y serai un courtisan très assidu. Je vous parleray de vers et de prose sous des berceaux de grenadiers et d'orangers; et vous ranimerez ma verve glacée; je jetteray des fleurs sur les tombeaux de Keizeling, et du successeur de la Crose que votre majesté avoit si heureusement arraché à l'église pour l'attacher à votre personne, et je voudrois comme eux, mourir mais fort tard, à votre service, car en vérité sire il est bien triste de vivre si longtemps loin de Federic le grand.
V.