1723-09-24, de Voltaire [François Marie Arouet] à François Augustin Paradis de Moncrif.

Il n'y avoit qu'une lettre aussi aimable que la vôtre et les assurances touchantes que vous me donnez de votre amitié qui pussent adoucir la douleur où je suis de la mort de notre pauvre ami.
Je le regretterai toute ma vie; et toute ma vie je serai charmé de retrouver dans la sensibilité de votre cœur et dans les agrémens de votre esprit la consolation dont j'ai besoin.

Je vous demande en grâce mon cher Montgriff de nous donner quelquefois de vos nouvelles et de nous en mander un peu de la république des lettres. Madame de Berniere et Tiriot vous font mille complimens. Je crois que vous n'avez pas besoin que je vous fasse de nouvelles prostestations d'estime et d'amitié. Regardez moi toujours comme l'homme du monde qui vous est le plus tendrement ataché. Dites je vous en prie à monsieur d'Argenson que je suis bien ennuié de le voir lieutenant de police. J'ai pourtant besoin de lui car il faudra qu'il mette bientôt son nom au bas de Marianne. J'ai encor plus besoin de son aprobation que de sa signature. Je travaille ici jour et nuit à mériter la vôtre. Si vous savez ce qui se passe dans la république comique vous me ferez grand plaisir de me le mander car j'ai extrêment envie de prendre de justes mesures pour que Marianne soit jouée cet hiver. On dit qu'Inès est furieusement enlaidie sur le papier. La joue t'on encore? la rejouera t'on cet hiver? Crébillon n'a t'il point quelque échafaut à faire représenter pour la st Martin? Instruisez moi de tout cela et aimez moi comme je vous aime. Adieu.