1723-05-15, de Voltaire [François Marie Arouet] à Marguerite Madeleine Du Moutier, marquise de Bernières.

Nous voilà arrivez dans notre hermitage.
On n'a peutêtre jamais été à la campagne plus mal à propos, c'est s'enfuir la veille d'une bataille. Mais je vous promets de revenir dès le moment que vous jugerez ma présence nécessaire. Ecrivez moi je vous prie un peu souvent de vos nouvelles et des miennes. Mandez moi comment mon fils réussit dans le monde, s'il a baucoup d'ennemis, et si on me croit toujours son véritable père; que Tiriot, son père nourissier, songe aussi à m'écrire tous les jours si sa paresse peut le lui permettre. Il n'y a qu'à envoier les lettres chez madame de Villette, qui envoie tous les jours un courier ici. Rien ne sera plus aisé que d'entretenir un commerce très régulier. Je crois déjà être ici à cent lieues de Paris. Milord Bolimbrok me fait oublier et Henri quatre et Marianne, et comédiens, et libraires, je vous demande en grâce de me faire souvenir de tout cela et de croire que je ne vous oublierai jamais, et que votre amitié m'est plus chère que ma réputation et mon intérest.