1732-04-01, de Voltaire [François Marie Arouet] à François Augustin Paradis de Moncrif.

Mon cher Valerius, que votre consulat ne vous fasse point oublier Argos.
J'ay besoin plus que jamais d’être aprouvé et protégé par votre charmant maitre; je ne veux pas qu'un ouvrage qui sera honoré de son nom soit médiocre; j'y travaille jour et nuit; et peutêtre l'envie de luy plaire sera devenue talent chez moy. S'il daignoit envoyer chercher la trouppe comique encor une fois, et luy recomander Eriphile ce seroit une bonne action digne de luy.

J'ay abandonné cette pièce aux comédiens quant au profit; mais pour la gloire nous autres poètes ne sommes pas si généreux; mon intérest véritable qui est celuy de ma réputation, le droit que j'ay de faire continuer la pièce après pâques, et surtout la protection dont m'honore mgr le c. de Clerm. me font espérer que les comédiens ne refuseront pas de jouer la pièce. Je sçai bien qu'après les manières honnêtes et généreuses que j'ay eues avec eux ils auront envie de me nuire attendu l'esprit du corps; mais j'attends tout des bontez de s. a. s. et votre amitié, e vi baccio il catzo.

Vol.