Venez mon cher ami et ne nous donnez point de fausses espérances de vous voir! Vous serez à Rouen en deuxjours, mr votre père n'est point si mal que vous pensez.
Je vous assure qu'il se portera fort bien ce printemps. N'allez pas vous imaginer que vous deviez renoncer à vos amis parceque votre père à un boyau de moins, venez voir les nouvaux vers que j'ai faits à Henri quatre; on commencera lundi prochain ce que vous savez. Je suis actuellement à Rouen où je ménage sourdement cette petite intrigue et où d'ailleurs je passe fort bien mon temps. Il y a ici nombre de gens d'esprit et de mérite avec qui j'ai vécu dès le premier jour comme si je les avois vu toutte ma vie. On me fait une chère excellente. Il y a de plus un opera dont vous serez très content. En un mot je ne me plains à Rouen que d'y avoir trop de plaisir, cela dérange trop mes études, et je m'en retourne ce soir à la Riviere pour partager mes soins entre une ânesse et Marianne; voiez je vous en prie mademoiselle le Couvreur et mr l'abbé d'Amfreville, dites à m. le Couvreur qu'il faut qu'elle hâte sonvoiage si elle veut prendre du lait dans la saison et n'oubliez pas de lui dire combien je suis charmé d'espérer que je pourai passer quelque temps avec elle. Faites les mêmes agaceries pour moi à mr l'abé d'Amfreville. Dites luy que j'ai trouvé à Rouen un sien neveu qui me paroit aussi aimable que lui et que c'est le plus grand éloge que je puisse luy donner; vous allez être bien étonné de me trouver tant de coqueterie dans l'esprit, mais vous jugez bien qu'un homme qui va donner un poème épique a besoin de se faire des amis.
Avant de partir aiez la bonté de remettre mes pauvres contracts entre les mains de Dubreuil qui demeure rue Calende près le palais et chargez le de les vendre. Me de Berniere vous souhaitte autant que moy. Adieu.
à Rouen ce 29 [March 1723]
Je ne puis rien adjouter à ce que l'on vous mande mais je veux vous assurer moy mesme de l'impatience que j'ay de vivre avec vous et de la plus tendre et la plus sincère amitié. Votre amy et le mien me fait enrager. Il m'accable de [. . .]. J'ay besoin que vous me veniée défen[dre. Je l'aim]e toujours malgré cella.