De Paris ce 16 de juillet 1716
Je n'aurois jamais pensé qu'un homme comme vous Monsieur, Eût plus croire aux Esprits, et moins encor adjouté foy à ce qu'ils disent quand ils veulent bien revenir je ne sçay pas d'où; La secte de philosophe où vous avés la bonté de m'associér de votre authorité, m'a fait douté grâce au Ciel de l'aparition de Chapelle et m'a préservé des coqueteries de son ombre, de votre politesse, et de la complaisance de mon Amour propre que vous avéz tâché si galamment de mettre de la partie.
Parmy toutes les bonnes Raisons que vous devéz avoir de vous défier un peu de cette aparition, vous en avéz une Essentielle en vous qui doit vous déterminer à ne la pas croire, et qui m'y à en mon particulier Entièrement déterminé
Voilà en trois mots ce que je puis répondre à la plus jolie Lettre du monde que vous m'avez Escrite trop flatteuse pour l'Ecouter, trop brillante d'imagination pour me hazarder à y faire une réponce en forme, qui serait indigne peut'estre d'un Elève de Chapelle à qui vous pouriez la montrer, dans Le Commerce Etroit où je vous vois avec Lui quarente ans après sa mort;
Mais si je me dêfie de mon esprit je suis toujours seure de mon Coeur, et je vais répondre au sentiment d'Estime, et d'amitié que j'ay pour vous, dont vous me demandés une marque Essentielle qui est de vous dire avec la sincérité dont je fais profession, ce que je pense sur L'Epître que vous adresséz A S. A. R. Monseigneur le D. Dorleans;
Elle est parfaittement Escrite, pleine de traits bien Versifiéz, et Comme poête on ne peut rien vous reprocher. Mais trouvés bons, que je vous fasse faire réflection qu'il ne faut pas laisser voir à m͞g͞r le régent, ny luy laisser entendre, en termes si forts, qu'il a en France quelques censeurs, et que son ministère quelque parfait qu'il soit, n'a pas le don de plaire à tout le monde. Comme l'attention de son a. r. au bien de la France, ses travaux infatigables, l’équité de son administration, et la droiture de ses intentions, le doivent mettre à l'abry de la censure, et des frondeurs dont vous parlés; il me paroit trop dur, de laisser sentir à ce prince bien faisant, le peu de recognoissance de la France; quoyque ses actions le mettent au dessus de la satyre; qui fait bien, se voit avec peine blasmé bien ou mal àpropos; ainsy ie croirois, qu'il faut adoucir les expressions, et les pensées mesme