1835-05, de George Sand à A MADAME CLAIRE BRUNNE'. A PARIS .

Recevez l'expression d& toute ma gratitude pour la

bienveillance dont vous m'honorez. Soyez sûre que les amis inconnus que j'ai dans le monde, et dont vous daignez faire partie, ont, devant Dieu, une communion intime avec moi.

Mais, à vous qui me paraissez une femme supérieure, je puis dire ce que je n'oserais dire à toutes les autres Ne cherchez point à me voir! les louanges me troublent et m'affectent péniblement. Je sens que je ne les mérite point. Je vous semblerais froide, ee je vous déplairais, sans doute, comme j'ai déplu à beaucoup de personnes qui m'intimidaient, malgré mes efforts pour leur exprimer ma a reconnaissance C'est pour moi un châtiment de ma vaine et ennuyeus 1. Veuve Marbouty, femme de lettres.

célébrité, que ce regard curieux, sévère ou exigeant, que le monde m'accorde. Laissez-moi le fuir. Si je vous rencontrais dans un champ, dans une auberge, si. je vous voyais dans votre maison à la campagne, ou dans la mienne, j~ pourrais espérer de réparer le mauvais effet de la première .entrevue, et je ne me mènerais pas de moi-même. Mais, ici, nous ne nous trouverions jamais seules ensemble; ma mansarde n'a qu'une pièce, et trente personnes s'y succèdent chaque jour, soit à titre d'amis, soit pour raison d'affaires, soit par oisiveté de curieux. Je cèd& souvent à ceux-là, par crainte d'être jugée orgueilleuse. Comprenez-moi mieux et aimez-moi mieux qu'eux tous. Vous n'avez pas besoin de moi; sans cela, j'irais au-devant de vous.

Ne me croyez pas ingrate. Je baise la main qui tracé mon éloge avec tant de grâce.