Voilà, mon cher ami, le début de l'épître que je te destine; elle sera intitulée : Ma jeunesse. Tu vois que je me donne un large champ. Il y a de quoi semer. Il y aura un morceau pour l'amour et un autre pour l'espérance, un autre sur les charmes de la poésie pour un jeune homme, etc., etc. Je viens d'accoucher de cet exorde, qu'en pensestu? Dis-moi franchement ton avis sur le moindre mot. Si j'en fais encore quelques morceaux, je le les enverrai de même pour être critiqués, si toutefois ils en valent la peine; mais ne sois point flatteur ni même trop indulgent.
Quels autres conseils veux-tu que je le donne que celui de profiter de l'heureuse position dans laquelle tu te trouves avec M. Lefèvre, de dessiner à force et de continuer lorsque tu seras à Paris. Mais avec cela lis toujours et écris, traite quelque sujet qui te passe par l'esprit, bien ou mal ; cela t'exercera et ensuite tu en recueilleras les fruits. Voilà ce que je fais, j'espère que cela me sera utile par la suite. Je viens d'aller chercher tout à l'heure le cours de littérature de La Harpe et je me dispose à le lire avec attention et suite. J'ai tu Ossian ces jours-ci, et, ne sachant que faire, j'avais commencé à en mettre en vers un épisode qui m'avait touché. C'est celui d'un vieillard qui pleure son chien mort. Je veux que mon premier chien s'appelle Gorban comme le sien; ça ressemble à Gorgo. Voici mon début :
Tu sais que les ombres ou les nuages étaient leurs ancêtres.
Voici comment commence l'aventure, comme tous les contes de fées :
J'en ai fait une centaine de vers; qu'en dis-tu? C'est un mauvais genre. J'ai lâché cependant d'y mettre de la simplicité, mais je crains de t'ennuyer, et c'est peut-être déjà fait. Au reste je ne finirais pas.
Je pars le 16 pour Lyon. Viens-y donc ! je n'y resterai que quinze jours. Ne m'écris plus à Mâcon, à moins que tu n'imagines que ta lettre puisse encore m'arriver. Tu n'as pas eu Guichard ni les autres convives que tu attendais. J'ai eu de leurs nouvelles. Adieu, mon cher ami, si tu m'écris à Lyon, mon adresse est à M. Alphonse de Lamartine, chez madame Vasse-Roquemont, rue Saint-Dominique, à Lyon.
Si tu as des commissions, je m'en chargerai volontiers. Adieu encore une fois.
AL. DE LAMARTINE.