1812-01-22, de Alphonse de Lamartine à Aymon de Virieu.

Pourquoi donc ne mets-tu jamais de date à tes lettres ? En voilà une qui m'arrive de Florence, et je te croyais pour le moins déjà à Rome. Mais enfin je me console, si tu ne t'y arrêtes qu'un jour et si tu viens me joindre sur-le-champ. Oui. mon ami, je t'attends; tous les matins, je me dis: C'est aujourd'hui que je l'embrasserai. Serai-je toujours trompé?

Tu auras déjà trouvé une lettre de moi à Rome, et tu m'y auras, je pense, tout de suite répondu. Comment viens-tu ? en poste, en voiturin ou par le courrier ? Je te conseille la dernière manière comme la plus prompte. Arrive donc tout de suite.

Nous passerons ensemble quelques jours à Naples, et, comme tu le dis, nous reviendrons ensemble à Rome, partout où tu voudras; car pour moi, mon seul désir est d'être avec toi. Je n'ai plus d'émulation ni de curiosité pour rien. Viens t'attrister, viens fantasticare avec moi. Je te conduirai partout : j'ai tout vu depuis longtemps, et, sans l'espoir de te voir arriver, il y a longtemps que j'aurais secoué la poussière de mes pieds.

Je suis sans le sol. Je viens de me mettre à jouer. J'ai gagné en deux jours une quarantaine de piastres. Je vais peut-être les reperdre ce soir en voulant pousser plus loin. Je maudis tout.

Le Vésuve fume beaucoup encore. Combien je t'ai regretté le jour de cette belle éruption! Pourquoi aussi t'arrêtes-tu à Livourne, à Gênes, à Florence ? Ce sont des villes à voir en un jour. Tu verras autre chose à Rome et à Naples, mais surtout à Rome.

Adieu, j'espère t'embrasser dans deux jours. Écris-moi le moment où tu dois entrer à Naples, que j'aille à ta rencontre, ou que j'y envoie mon domestique qui sera aussi le tien. Adresse ton billet chez M. Duchaliot et mets pressé sur l'enveloppe.

ALP. DE LAMARTINE.