Ce 19 septembre 1862
Bonne chère amie,
Je suis arrivé à bon port1 : nous avons un temps superbe et je me trouve bien de ce petit voyage. Quoique je ne puisse espérer d’avoir de vos nouvelles, j’ai voulu que vous eussiez des miennes : je veux vous répéter que je pense bien à vous et à vos chagrins. Peut-être ce petit mot vous donnera-t-il un moment de satisfaction.
Je mène une vie très fainéante : je ne dessine même pas dans mon album et les journées se passent vite. Nous aurons du monde à dîner lundi prochain : je ne pourrai donc partir que vers mercredi à ce [p. 2]que je suppose. Je combine un moyen de partir d’ici de bonne heure et de me trouver près de vous, à Champrosay, dans la même journée et à l’heure du dîner : cela serait une belle équipée qui ferait que je vous reverrais un peu plus tôt et que je ne serais pas obligé de coucher en route2. Je vais faire mon possible pour arranger cela.
Dans l’espoir de vous revoir bientôt je vous envoie l’expression de ma tendre affection.
Eug. Delacroix