[p. 1] Ce 29 septembre 1
Mon cher ami,
Depuis que je ne vous ai vu, je suis partie de Paris, arrivée, et établie à Girecourt 2, chez mes aimables hôtes de l’année dernière3 : voici demain 8 jours que je jouis de la campagne qui est encore resplendissante : le temps est magnifique, nous faisons de charmantes promenades, je me repose, je ne m’ennuie pas mais je regrette bien mes amis absents. J’ai gardé un bien doux souvenir de notre dernière soirée, et je désirais aller vous faire mes derniers adieux mais je n’ai pas osé, dans la crainte de vous déranger. Que faites-vous, mon ami ? Êtes-vous occupé de votre grand travail d’église 4 ? [p. 2] Il me semble que votre petite campagne 5 vous serait agréable dans ce moment-ci et ne devez-vous pas y aller bientôt ? Je vous en prie, donnez-moi de vos nouvelles, parlez-moi de vos travaux, de votre santé, de vos occupations à la campagne. Ici, je lis et je travaille, ce que je n’ai pas le temps de faire à Paris : il n’y a pas de monde, nous sommes en famille, on se couche de bonne heure mais je me lève tard parce que je lis dans mon lit, ce qui n’est pas le moment le plus désagréable de la journée ; je suis habillée, et je descends à 10 h ½ pour déjeuner. On se promène, on lit les journaux et on travaille, on dîne à 6 h ½ , on joue un peu le soir, et on recommence le lendemain… Tout cela est bien un peu monotone, mais je suis avec des personnes qui [p. 3] sont charmantes pour moi. Je les quitterai du 15 au 20 octobre, et je retournerai à Paris, y serez-vous à cette époque-là, mon ami ?
J’espère que cet hiver, vous me donnerez quelques-unes de vos soirées ; j’en serai bien heureuse, et je ne vous donnerai que des personnes qui vous intéresseront sans vous fatiguer.
Adieu, cher bon ami, je vous aime et vous embrasse bien tendrement.
Bne de Forget