Mâcon, 17 novembre 1812
Je me presse de t'écrire pour que ma lettre te trouve encore à ce château de la Motte et près de Vignet. Je te charge de lui faire mes adieux et les adieux les plus tendres : qu'il ne nous oublie pas à une si grande distance de nous !
J'envie pour la première fois le sort de Fréminville. Il faut, mon ami, que nous allions les joindre l'hiver prochain et les entraîner à Naples avec nous, si nous pensons encore à Naples dans un an, si tu n'es pas marié, si je ne suis pas de mon côté devenu fermier de mon père, dans un vieux château qu'il a dans les montagnes du Charolais ; car voilà un nouveau projet qui m'occupe et que j'exécuterai si j'ai de l'argent l'automne prochain. Cela pourra me donner de l'aisance; des chevaux, un asile où te recevoir et passer des mois avec toi, et le goût d'une vie sédentaire et occupée, du moins par des petits intérêts d'argent, faute de mieux.
Mon voyage à Paris va se trouver retardé d'un mois ou deux par le mariage d'une de mes soeurs, qui se fera à la fin de janvier. Je n'ose pas m'en aller : cela serait trop impoli pour le cher beau-frère qui est arrivé ici hier et à qui je suis forcé de tenir fidèle compagnie. Cela me dérange. J'étais plongé dans mon Saül et dans une épître à ioi, sur les sépultures, que j'ai commencée ces jours-ci; et puis je suis à Mâcon pour une huitaine, et je ne peux vivre et composer qu'à la campagne ; et, pardessus tout, je suis malade.
Écrivez-moi tous deux, et recommande bien à Vignet de m'écrire un peu longuement de Rome.
Adieu ; j'ai si mal à la tête que la plume me tombe des mains. Adieu, je vous embrasse bien tendrement tous les deux.
AL. DE L.
Où faut-il t'écrire à présent ?