[c. March 1778]
Mieux que l'antique Orphée, en suspendant mes maux,
Vous savéz me rendre à la vie;
Ouï, la mort, qui sur moy, levoit déjà sa faulx,
La baisse à vos chants, et L'oublie.
Mais par leur touchante harmonie,
Avec le sentiment, s'ils me rendoient la voix,
Tel qu'un Cigne mourant, sur les bords du Méandre,
Je me ferois encore entendre.
Je cêlébrerois votre choix,
Votre conversion, ainsi que votre gloire,
Qui fait tant de jaloux au temple de mémoire;
Je chanterois L'Objet qui vous donne des loix,
Ses charmes, ses vertus et surtout sa victoire.
Non, des maris trompés, ne craignéz point L'histoire.
Quoiqu'Ulisse à L'hymen, cédât plus tard que vous,
Cependant Pénélope, aussi jeune que belle,
N'en fut pas moins tendre et fidelle.
Vous savez quel pouvoir a l'exemple sur nous.
Celle qui dompte enfin vos injustes dégoûts,
Des Epouses, aussi sera le vrai modèle,
Tant que vous le seréz vous même des Epoux.
Adieu, le charme cesse, et la mort me harcelle.
Vivéz heureux, vivéz digne d'un sort si doux.
Pour moy, ne pouvant plus fléchir cette cruelle,
Tout ce qui me console, en tombant sous ses coups,
C'est que mon âme est immortelle.