Je vous aime et je vous admire
Mais je voulois vous l'exprimer;
Si le coeur seul savoit rimer
J'aurois pu toujours vous écrire;
J'en fus empesché dans Paris
Par Les soins d'élever dans ma riche Patrie
Une Ecole, où nos bons Esprits,
Héritiers de Corneille et du mesme air nouris
Pussent tenir de son génie;
Enfin grâce au sage Louis
Qui veillant au dedans crée, augmente, édifie
Comme il renverse au loin les Ramparts ennemis,
Où l'on plaidoit on Etudie,
De la main dont Ypres fut pris
Nous avons une Académie.
Je ne pus suivre nos guerriers,
Réduit aux vertus pacifiques
Je fus, entouré d'ouvriers,
Bastir à mes dieux domestiques,
A mes amis d'humbles foyers;
Là, loin des vers mes mains rustiques
Ont aligné mes maroniers,
N'ayant comme vous des Lauriers
Pour couvrir mes cheveux antiques,
Là, de ce bois le maître obscur,
Reçoit les plus beaux vers de l'illustre Voltaire,
Et quand je les reçois, cet endroit solitaire
Est mon Lourentin, mon Tibur.
Mais vous, sublime ami, sur vos monts de Champagne
Où coule L'hypocrene et mousse à vostre gré,
Vous prépariés un hymne à cet hymen sacré
Qui va serrer les noeuds de la France et l'Espagne;
Louis voulut qu'à son retour
Et vous ayant fourni de hauts faits à décrire
Sa clémence à Menin, sa vaillance à Fribour,
Vous eussiés à chanter et la gloire et l'amour;
Catule chés Lesbie, et Virgile à la cour
C'étoit à vous d'unir la musette et la Lyre.
C.
à Roüen ce 19 9bre 1744
Je vous prie de présenter mes homages à Mde La Marquise Duchatelet.