1758-11-17, de Pierre Robert Le Cornier de Cideville à Voltaire [François Marie Arouet].

J'ay eu l'honneur de vous mander, très illustre et très cher ami, en réponse de vostre Lettre du 28 8bre, que j'avois enfin reçu une lettre de mr. Le marquis de Lezeau datée du 30 du mesme mois de Paris où aprés l'avoir cherché de terre en terre elle luy étoit enfin parvenüe à l'hôtel de Chatillon, rüe de Tournon; il m'indiquoit à Roüen la demeure du sr. Le Doux, un de ses gens d'affaires, chés un sr. Gouaislin, maitre de Pension, rüe de la Cigogne; il étoit étonné que ce le Doux qu'il avoit chargé de payer vostre rente y eût manqué depuis 4 années &c.

Je vous répète tout cecy, parce que je vois par vostre dernière en date du 10 de ce présent mois de 9bre, que je reçois à mon arrivée à Rouen, que vous n'avés pas encore reçu celle où je vous aprenois que j'avois reçu réponse de mr. de Lezeau.

J'en reçus avant hier une seconde de mr. le marquis, dont je vous vais rendre compte; il me mande que sur ses réprimandes Le Doux luy écrit positivement que vous pouvés compter sur 3000lt pour le 1er jour de l'an; j'ay été chercher à Roüen ce 1er ministre de ce Roitelet. Il est dans ses domaines, aparamment il y fait battre monnoye pour vous acorder ce subside; quoyqu'il en soit, ne sachant point à quoy se monte vostre rente, je ne puis juger si l'offre qu'il vous fait est à peu près raisonnable, mais je dois ajouter que mr. le marquis me paroit très résolu de veiller à ce que vous soyés payé le plus tost possible et à se mesler mesme de ses affaires; c'est ce me semble un miracle de conversion, si elle est sincère.

J'entretiendray par la Lettre que je vais luy écrire nostre pénitent dans ses pieuses résolutions, mais c'est à vous, divinité bienfaisante, à décider si vous voulés bien faire grâce et attendre ce temps; il est bon qu'il vous adresse directement ses prières, mon intercession n'est que d'un des plus petits saints.

Je vais encore passer encore environ un moy à ma campagne crotée, et pendant ce temps j'auray reçu une de vos Lettres et une de nostre nouveau converti, et sur le tout j'exécuteray vos ordres à Roüen et je reviendray huit jours avant mon départ pour cette grande vilaine ville qu'on méprise à justes titre et où on ne peut s'empescher de retourner.