Le 15 Jer 1778
Tandis que je travaillais Jour et nuit pour Mr Baron, que J'effaçais, corrigeais, ajoutais, retranchais j'ai appris que Monvel a lu la chose au tripot assemblé; et je ne sais pas si le tripot a ri ou pleuré.
Je ne crois pas que mes deux anges aient laissé le manuscrit à Monvel; je ne crois pas non plus que le tripot s'en soit emparé. Ce serait alors que je pleurerais, et que je me turais comme Irène; attendez, Messieurs, attendez, vous êtes des jeunes gens bien préssés, vous aurez par la poste une Irène tout décrassée et sortant de sa toilette dans quinze jours ou trois semaines. Vous avez pris des esquisses pour des tableaux. Pour Dieu attendez que le peintre ait fini!
Je conjure instamment l'autre ange, Monsieur D'Argental, de ne laisser voir ces croquis à personne. Je me défie de tous les prétendus connaisseurs qui crient, voilà un bras trop long, quand il est trop court; et qui vont villipander dans tout Paris un nez aquilain, qu'ils disent être retroussé. Un pauvre peintre est déclaré barbouilleur avant que son ouvrage ait paru dans son jour. Mandez-moi je vous en supplie où j'en suis, et où vous en êtes, mais j'ai peur que votre santé ne vous le permette pas.
Mr D'Argental me manda il y a près d'un mois que vous n'étiez pas trop content de votre vache, et que vous étiez très enrhumé. Vôtre santé m'est plus chère que celle d'Aléxis. Je me suis mis à vous aimer passionnément depuis que je vous ai connu comme un homme essentiel; aulieu qu'auparavant je ne vous regardais que comme un homme aimable. Tâchez donc que je puisse venir vous voir cet été dans cette maison que j'ai habitée autrefois, car L'hiver je ne peux sortir de mon Lit. Je suis pénétré pour vous de tendresse et de reconnaissance.
V.