Paris 29 Novembre 1777
J'ai remis exactement, Monsieur, les Paquets que Vous m'avez adressez à mrs d'Argental, Condorcet et la Harpe; Jusqu'au 1er janvier Vous pouvez m'envoyer tout ce que Vous Voudrez directement, et Passé cette époque il ne sera question que de faire mettre sur mon adresse celle de Mr de Montsauge, administrateur des postes.
Il n'est nullement besoin que vous preniez la peine de le prévenir et de lui écrire: J'ai son aveu, c'est un homme sûr et qui me fera passer à l'instant tout ce qu'il recevra. Vous ne risquerez rien de faire faire les Paquets aussi gros et d'y insérer tout ce que Vous Voudrez: Voilà notre correspondance assurée, voilà un moyen Pour moi de Vous être de quelque utilité, et de recevoir quelquefois de Vos nouvelles.
Quand j'étois surchargé d'affaires Je trouvois le tems de lire Vos ouvrages, Jugez si je les lis et les relis maintenant que je ne suis plus commandé Par aucune espèce d'occupation: J'ai gardé un des exemplaires que Vous avez eu la bonté de m'envoyer, j'ai donné l'autre à mr Turgot. Il n'y a que Vous qui décerniez en même temps les prix et qui fournissiez les moyens de les obtenir. Vous indiquez les questions qu'il faut faire et Vous offrez la meilleure manière de les résoudre: J'ai vu à la fin de la dernière Page Commentaires sur Montesquieu. Je suis bien impatient d'avoir ces commentaires: c'est à vous qu'il appartient de commenter de tels ouvrages. S'ils ne se recommandoient Pas eux-mêmes à la Postérité vous les y feriez Passer car si vous nous avez éclairés sur de grands et de nombreux défauts de Corneille Personne n'en a mieux fait sentir les traits sublimes et les grandes beautés.
Nous attendons tous les jours mr le maréchal de Duras Pour lui parler de ces tragédies dont je désire si Vivement la représentation: ce n'est qu'en vous lisant, qu'en allant admirer vos chefs-d'œuvre que je Puis me consoler de ne vous avoir pas vu et prendre Patience jusqu'à l'été prochain.