[c. 1770/1771]
J'aurais dû vous remercier d'abord Monsieur de ce que vous m'avés envoié.
C'étoit bien le premier sentiment de ma reconnoissance. Pardonnés moi si je me suis laissée aller plus tôt à lire d'abord quelques uns de ces ouvrages. J'ai commencé par les théistes. Ils m'ont fait un plaisir extrème comme tout ce qui vient de vous. J'avoue même que je les aime beaucoup. Vous ne les loués cependant que par l'exemption des vices et vous nous apprenés qu'ils ont encore plus de vertus. Vous les représentez beaucoup mieux vous même mon cher Monsieur, vous ètes le tableau parlant et agissant. Vous ne vous contentés pas de n'être ni superstitieux ni fanatique ni persécuteur. Vous ètes plein de zèle pour les malheureux, de charité pour les misérables, de complaisance pour vos amis; quelle bonté de vous ètre souvenu de moi, de me croire digne de m'envoyer des ouvrages admirables, quel bonheur d'avoir un colporteur comme vous. Me voilà assurée d'avoir tout ce qui paraitra de meilleur dans le monde. Vous vous ètes engagés par là de me faire part de toutes les bonnes choses qui viendront de Fernex. Je serais extrèmement flatée et peut ètre trop vaine de les tenir directement de vous. Ce sera pour moi une source d'instruction de plaisirs. Il serait bien généreux qu'ils ne vous fussent pas indifférent et que vous me permissiés de faire dépandre de vous Monsieur les occupations de mon esprit. Je voudrais le remettre entre vos mains si par hazard vous l'ôtiez à Jésus Christ qui est pourtant mort pour moi à 33 ans, mais qui n'avait pas autant de feu qu'il y en à dans tout ce que vous faites aujourd'hui. On vous admire en vous lisant, on s'attache à vous en vous voyant. A ces sentiments je joint toute ma reconnoissance et mes respects.
J. de Saussure
Je prie Madame Denis d'agréer mes obéissances les plus humbles et les plus empressées.