à Geneve le 13 Déc. 1775
Que je suis fâché M. qu'un Rhume m'ait empêché d'ètre témoin hier de la joye du Pays de Gex et des preuves de reconnoissance que tout le monde s'est empressé de faire éclater pour vous.
Vous avez commencé un grand ouvrage et je suis bien sûr que vous allez y mettre la dernière main. Pour cet effet il importe de donner plus de consistence aux Etats, affin qu'eux seuls veillent sur l'imposition qui remplacera les droits des fermes et que sous aucun prétexte elles ne puissent jamais rentrer dans la sphère de l'arbitraire. Tout ce qui tient de près ou de loin aux liaisons des genevois avec la France étant de mon ressort, je me suis fait un devoir de rendre compte à M. le C. de Vergennes du projet de liberté pour le Pays de Gex et j'en ai fait valoir les avantages. J'ai crû pouvoir en même tems représenter que les 30000 livres accordées aux fermiers généraux étoient, pour ainsi dire un nouvel impost puisque de l'aveu de ces messieurs les petits Bureaux du Pays de Gex leur coûtoient aulieu de leur rapporter. J'ai même proposé un moyen un peu leste de vérifier ce fait, mais je ne crois pas qu'on l'adopte. Enfin m. j'ai plaidé de mon mieux la cause du Pays. Vraisemblablement M. le C. de Vergennes fera part de mes réflexions à M. Turgot. Elles n'auront pas l'air d'avoir été faites pour être mises sous ses yeux, et elles partent d'un Homme qui n'a aucun intérêt à ce qui se passe à Gex. Ainsi j'espère qu'elles feront impression. On me dit M. que vous désiriez en avoir communication et que vous croyiez qu'elles pourroient être jointes à tout ce que vous voulez faire parvenir à M. le Contrôleur général. J'y vois quelque inconvénient parce que les Ministres n'aiment pas que ceux qui travaillent sous leurs ordres fassent aucune démarche qui ait rapport à d'autres départemens sans les en avoir prévenus. Je vous confierai volontiers Monsieur les articles de mes dépêches relatifs à la liberté du pays de Gex, et même je m'offre à y faire entrer ce que vous croirez le plus propre à accélérer et consolider le succès de votre ouvrage, mais vous me permettrez de ne pas en donner de copie pour me tenir à la règle que M. le C. de Vergennes me rappella il y a quelques mois sur ce que j'avois écrit directement à m. Turgot à l'occasion des coquineries du Bureau de Versoix.
J'espère ne pas tarder à vous voir et à vous faire part des idées que les circonstances m'ont fait naître pour le plus grand avantage de votre petit Pays. Vous avez fait le bien de dix mille Français. Ce jour doit être le plus beau de vos jours.
J'ai l'hr&c.