11 juin 1777
Je vous remercie, monsieur, de la lettre que vous m'avez envoyée de cet homme illustre avec lequel vous avez travaillé trop peu de temps, et qui sera toujours cher aux bons citoyens amateurs de la vertu et des grands talents.
Comme j'imagine que vous avez actuellement quelque loisir j'en abuse peutêtre en vous priant de jeter les yeux sur le manuscrit que j'ai l'honneur de vous envoyer. Il s'agit d'un grand nombre de vérités qui combattent l'opinion publique si souvent hasardée et reçue sans examen. Si les nombreuses erreurs qu'on me force de relever dans l'Esprit des loix vous font la même impression qu'elles m'ont faite, je vous supplie, monsieur, de vouloir bien envoyer au sr Panckoucke le manuscrit cacheté avec la lettre pour lui ci-jointe.
Je sais bien que ma hardiesse augmentera le nombre de mes ennemis; mais je suis, comme m. de la Harpe, né pour combattre, et j'ai raison papiers sur table. Pour peu que vous soyez de mon avis je croirai avoir remporté la victoire.
Le Pascal de m. de Condorcet m'a donné un peu d'humeur contre les réputations usurpées. C'est bien dommage que cet ouvrage ne soit pas entre les mains de tout le monde. Il faudrait que chacun eût dans sa poche ce préservatif contre le fanatisme.
Je vous prie instamment, monsieur, de conserver un peu de bonté pour le vieux malade.
V.