1758-06-26, de Voltaire [François Marie Arouet] à Denis Diderot.

Vous ne doutez pas monsieur de l'honneur et du plaisir, que je me fais de mettre quelquefois une ou deux briques à votre grande piramide.
C'est bien dommage que dans tout ce qui regarde la métaphisique, et même l'histoire, on ne puisse pas dire la vérité. Les articles qui devraient le plus éclairer les hommes sont précisément ceux dans les quels on redouble l'erreur et l'ignorance du public, on est obligé de mentir, et encor est on persécuté, pour n'avoir pas menti assez. Pour moy j'ay dit si insolemment la vérité dans les articles histoire, idolâtrie, et imagination, que je vous prie de ne les pas donner sous mon nom à l'examen. Ils pouront passer si on ne nomme pas l'auteur, et s'ils passent, tant mieux pour le petit nombre de lecteurs qui aiment le vray. Je vais faire un petit voiage à la cour palatine. Cette diversion m'empêche d'ajouter de nouvaux articles à ceux que Mr Dargental veut bien se charger de vous rendre. J'enverrai seulement humeur(moral) et je l'adresseray à Briasson.

Je vous avais trouvé deux aides massons, dont l'un est un savant dans les langues orientales, et l'autre un amateur de l'histoire naturelle qui connaît touttes les curiositez des Alpes et qui peut donner de bons mémoires sur les fossiles, et sur les changements arrivez à ce globe ou globule qu'on nomme la terre. Ces deux messieurs ne demandaient qu'un exemplaire afin de se régler par ce qui a déjà été imprimé. L'un d'eux a fourni quelques articles, mais il ne parait pas que les libraires veuillent leur faire ce petit présent. Il y a grande apparence qu'on peut se passer de leur secours. Je souhaitte que vos peines vous procurent autant d'avantage que de gloire. Comptez qu'il n'y a personne au monde qui fasse plus de vœux pour votre bonheur, et qui soit plus pénétré d'estime et d'attachement pour vous que

le petit suisse V.