Du 9 de janvier [1773]
Raton tire les marrons pour Bertrand, du meilleur de son cœur; il prie dieu seulement qu’il n’ait que les pattes de brûlées.
Il compte que, vous et m. de Condorcet, vous ferez taire les malins qui pourraient jeter des soupçons sur Raton; cela est sérieux au moins.
J’ai deux grâces à vous demander, mon cher et grand philosophe; la première, est de vouloir bien me faire envoyer sur le champ, et sous l’enveloppe de Marin, ou sous quelque autre contre-seing, la dissertation de m. de La Harpe sur Racine, qu’on dit un chef d’œuvre.
La seconde, c’est de me dire comment se nommait le curé de Fresnes. Il y a une fameuse prière à dieu d’un curé de Fresnes, du temps de m. d’Aguesseau. Ce bon prêtre parle à dieu, avec effusion de cœur, de la tolérance qu’on doit à toutes les religions, et qu’elles se doivent toutes les unes aux autres, attendu qu’elles sont tout à fait ridicules; mais pénétré de l’amour de dieu et des hommes, il chérit dieu autant que Damilaville le haïssait. J’ai son manuscrit, il est cordial. Je voudrais savoir le nom de ce philosophe tondu.
M. le chevalier de Châtellux, qui devait être naturellement le seigneur de ce curé, fera ma félicité, s’il veut bien vous dire tout ce qu’il sait sur cet honnête pasteur. Rendez moi donc ces deux bons offices qui pressent, et le tout pour le maintien de la bonne cause. Raton embrasse Bertrand de tout son cœur, et lui est bien attaché pour le reste de sa fichue vie.