1777-11-25, de Voltaire [François Marie Arouet] à Frederick II, king of Prussia.
Grand homme en tout, et sans rival
Depuis Paris jusqu'à la Meque,
Vous fondez donc un hôpital
Pour la langue latine et grecque!
Vous placez leur bibliotèque
Vis à vis de votre arsenal!
Vous avez passé votre vie
Entre le Dieu des grenadiers
Et le dieu de la poésie.
Tout deux épris de jalousie
Vous ont accablé de lauriers.
Vous les avez aimés en sage;
Vous les caressez tour à tour;
Et l'on pourra douter un jour
Qui des deux vous plut davantage.

J'aprends sire que mr Dalembert vous a proposé un des martirs de la philosophie pour un de vos bibliotécaires. C'est ce Delile dont votre majesté a entendu parler, qui a été tout prest d'être condamné comme Morival par un sanhedrin de barbares imbéciles. Ce Delile est assez savant pour un bel esprit. Il est très laborieux. Il a autant de véritable vertu que les bigots en affectent de fausse. Je le crois très digne de servir votre majesté dans touttes les parties de la littérature. Votre vocation est de réparer nos sottises et nos injustices.

J'ay mis aux chariots de poste des exemplaires du prix de la justice et de l'humanité pour lequel vous avez contribué si généreusement. Ils arriveront quand il plaira à dieu.

J'ay aujourdui quatrevingt quatre ans. J'ay plus d'aversion que jamais pour l'extrême onction et pour ceux qui la donnent. En attendant je suis à vos pieds et je vous invoque comme mon consolateur dans cette vie et dans l'autre.

le vieux malade V…