1764-03-05, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louis Necker.

Je crains bien, Monsieur, de ne pas m'élever plus haut que la cheville du pied, et d'être obligé de m'en tenir à la délivrance du pauvre cordonnier.
Le moment qui était favorable il y a quelques semaines ne l'est pas aujourd'hui. Vous qui êtes dans un port de mer vous sçavez que les vents changent; mais je vous réponds qu'au premier beau temps je mettrai à la voile pour ces pauvres malheureux. Je ne vous réponds pas de réussir. Il me semble que parmi ces martirs de Guillaume Farel et de Jean Calvin, il y a quelques vieillards qu'on poura faire jouïr du bénéfice d'âge, mais les autres qui peuvent travailler dans les chantiers sont regardés comme des gens utiles à qui on donne rârement la dignité de galériens honoraires.

J'ai vu vôtre cordonnier. Vraiment, c'est un imbécile. Si ses camarades sont aussi pauvres d'esprit, comme je le présume, ils sont aussi sûrs du paradis dans l'autre monde que des galères dans celui cy. V: t: h: ob: serv:

V.