Au château de Ferney par Genêve 24e August 1761
Je me hâte, Monsieur, de vous remercier au nom de Madlle Corneille, et au mien.
J'espère que nous commencerons incessamment L'Edition projettée, dès que L'académie m'aura renvoié les nottes qu'elle a entre les mains, sur les principales pièces. Je ne propose que des doutes, et c'est à L'académie à décider, afin que cet ouvrage puisse être un livre classique, utile aux étrangers qui apprennent nôtre langue par principes, et aux Français qui ne la sçavent que par l'usage. Les remarques sur l'art dramatique ne seront pas inutiles aux amateurs. Il me semble que je ne pouvais mieux finir ma carrière qu'en tâchant d'élever un monument à l'honneur des arts et de la nation. Je suis enchanté que vous vouliez bien y contribüer. Vous agissez comme bon citoyen, et comme un homme qui m'honore de son amitié. Ces deux motifs me sont bien sensibles.
La petite anecdote dont on vous a régalés sur madlle Corneille, est tout juste le contraire de ses sentiments et de sa conduite. Nous sommes, made Denis et moi, également contents de cette enfant. Elle fait la consolation de nôtre vie.
Pour L'anecdote de frère Menou, j'ignore encor si elle est vraie. Je ne conçois pas trop comment on peut condamner aux galères dans un païs où il n'y a point de ports de mer; c'est peut être un miracle de St Ignace.
Adieu, Monsieur, je ne vous quitte que pour le grand Corneille. Nous aurons huit ou neuf volumes in 4.. Ils ne coûteront que deux Louïs d'or, on ne peut avoir du sublime à meilleur marché. Permettez moi de faire mille compliments à monsieur vôtre père et à mr vôtre frère.
v. t. h. ob. str
V.