1761-08-24, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louise Florence Pétronille La Live, marquise d'Épinay.

Ma belle philosophe, je ne suis pas comme vous; je suis très aise que frère Saurin soit marié, il fera de bons cacouacs, nous en avons besoin.
C'est aux philosophes qu'il appartient de faire des Enfans, il faudrait, que tous les petits couteaux, qu'on vendait, pour châtrer les Montsoreaux, servissent aux Omers Joli de Fleuri, et empêchassent cette graine de pulluler. Si je me mariais, je prierais frère Saurin de faire des enfans à ma femme.

Je voudrais bien, Madame, vous voir avec vos sabots, je vous montrerais les miens, vous me diriez s'ils sont du bon faiseur. J'en ai réellement à Ferney. J'ai cédé les Délices au Duc de Villars, qui a toujours des souliers fort mignons; mais malheureusement il n'a point de jambes, et il est venu prier Tronchin de lui en donner.

Je crois que j'ai porté malheur aux jésuites, vous sçavez que je les ai chassez d'un petit domaine qu'ils avaient usurpés, le Parlement n'a fait que m'imiter. On me mande que le Parlement de Nancy a condamné frère Menou aux galères, je crois l'arrêt fort juste, car, le moyen qu'un parlement puisse avoir tort! Frère Menou aurait bonne grâce à ramer avec L'abbé de La Coste, mais le parlement de Nancy n'est pas français, et il n'y a point de port de mer en Lorraine. Adieu, Madame, Corneille m'appelle. Permettez moi mille compliments à tout ce qui vous environne.

V.