1777-10-07, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Eugene von Württemberg, duke of Württemberg.

Monseigneur,

Vôtre Lettre du 24e 7bre me consolerait autant qu'elle m'honore, si la chambre de Montbelliard avait secondé vôtre justice et vôtre humanité.
J'ai été obligé de vendre une partie de ma terre et ma vaisselle. Je suis tombé malade dans ma quatrevingtquatrième année, et je suis menacé de mourir sans avoir pu paier mes dettes.

Je remercie avec la plus grande sensibilité Vôtre Altesse Sérénissime, qui veut bien me paier vingt mille francs sur les soixante et dix mille Livres qu'elle me doit, et qui vient à mon secours avec tant de bonté dans la crise violente où je suis. Si la chambre de Montbelliard ne peut me donner cette légère somme, j'ose suplier Vôtre Altesse Sérénissime de daigner me l'envoier de Stoutgard. Vous avez fait cent fois des libéralités beaucoup plus fortes et je vous aurais beaucoup plus d'obligation de me donner ce petit à compte que ne vous en ont eues ceux que vous avez comblés de tant de biens. Ils ont dépensé en plaisirs plus d'argent que je ne vous en demande pour païer les dettes les plus pressantes et les plus sacrées, et pour soutenir un établissemet utile prêt à être détruit.

Vous pouriez ordonner qu'on m'envoiât une Lettre de change sur Lyon paiable à vue. La chambre de Montbelliard s'arrangerait avec moi ou avec mes héritiers pour les cinquante autres mille livres qui sont dues, et je mourrais en vous regardant comme mon bienfaicteur.

Je suis avec le plus profond respect

Monseigneur

De Vôtre Altesse Sérénissime

Le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire