1777-09-21, de Voltaire [François Marie Arouet] à Catherine II, czarina of Russia.

Madame,

Il est bien dur de mourir sans avoir vu l'auguste Catherine seconde, ou plutôt Catherine l'unique, et sans s'être mis à ses pieds.
Tout ce que je lis concernant votre empire, tout ce que je vois par des hasards heureux augmente à tout moment mon admiration. Un souverain donné à la Crimée et reconnu par le sultan en dépit de toutes ses chicanes; le commerce établi dans la mer Noire; les découvertes faites au delà du Kamtschatka, entre les îles du Japon et celles de l'Amérique, tout cela forme un nouveau monde, une nouvelle gloire de votre majesté impériale.

Je reçois dans ce moment une suite de médaillons depuis Ruzick jusqu'à l'immortelle Catherine. Elle est gravée en Minerve avec un casque et une cuirasse. Il n'y a point de médaille ni antique, ni nouvelle qui approche de la beauté de cet ouvrage. Il est du sr Waechter qui n'a perfectionné son art que dans Petersbourg. Notre siècle devient le siècle de toute sorte de gloire, comme celui de Louis XIV, des Médicis, et d'Alexandre.

Souffrez que je me prosterne du pied des Alpes devant ce beau siècle, et devant celle qui l'a fait naître.

Que votre majesté impériale daigne agréer le profond respect de celui qui l'annonça à la terre il y a quinze ans,

Son très humble serviteur, admirateur et adorateur

V.