27e juin 1777, à Ferney
Mon cher Marquis, vôtre vieux malade, ne tâte point du ridicule qu'on lui veut donner dans Paris, de recevoir une visite du Comte De Falkenstein.
Il sçait trop bien que l'église de son village n'est pas assez belle pour attirer les regards d'un homme qui devrait avoir l'église de st Pierre de Rome pour sa paroisse, et que de misérables manufactures de montres ne valent pas la peine d'être regardées par le protecteur de tous les beaux arts. Pour ma manufacture de vers français il y a longtemps qu'elle est à bas. En un mot, je puis vous assurer qu'un seigneur rempli de goût comme Monsieur Le Comte de Falkenstein ne se détournera pas pour voir un mourant qui n'a d'autre mérite que d'aimer tendrement ceux qui pensent comme vous. L'état où je suis ne me permettrait pas même de me présenter devant lui. Je ferais une étrange figure en sa présence avec mes quatrevingt trois ans, et mes quatre vingt trois maladies. Je ne dois songer qu'à paraître devant Dieu, et non devant les puissants de la terre.
Adieu, mon digne et respectable ami.
V.