1766-07-01, de Voltaire [François Marie Arouet] à Étienne Noël Damilaville.

On me mande, mon cher frère, une étrange nouvelle.
Les deux insensés, dit on, qui ont profané une église en Picardie, ont répondu dans leur interrogatoire qu'ils avaient puisé leur aversion pour nos saints mystères dans les livres des encyclopédistes et de plusieurs philosophes de nos jours. Cette nouvelle est sans doute fabriquée par les ennemis de la raison, de la vertu et de la religion. Qui sait mieux que vous combien tous ces philosophes ont tâché d'inspirer le plus profond respect pour les lois reçues? Ils ne sont que des précepteurs de morale et on les accuse de corrompre la jeunesse. On cherche à renouveler l'aventure de Socrate, on veut rendre les parisiens aussi injustes que les Athéniens, parce qu'on croit plus aisé de les faire ressembler aux Grecs par leur folie que par leurs talents.

Ne pourriez vous pas remonter à la source d'un bruit si odieux, et si ridicule? Je vous prie de mettre tous vos soins à vous en informer.

Est il vrai qu'on va jouer la tragédie de Barnevelt? Si elle est imprimée je vous supplie de me l'envoyer.

J'ai reçu la visite d'un homme de mérite qui je crois, vous a vu quelquefois chez m. d'Olbac Son nom est, je crois, Bergier; il m'a paru en effet digne de vivre avec vous.

Je m'affaiblis plus que jamais, mon cher frère, mais puisque Freron et Omer se portent bien, je dois être content..

On dit que melle Clairon a rendu le pain bénit et que toute la paroisse a battu des mains.

M. le prince de Brunswic vient bientôt honorer mon désert de sa présence. Je ne sais comment je pourrai le recevoir dans l'état où je suis.

Je vous embrasse avec la plus tendre amitié. Ecr. l'inf.