1765-01-04, de Voltaire [François Marie Arouet] à Étienne Noël Damilaville.

Vraiment, mon cher frère, la Lettre dont vous m'avez envoié copie n'est pas une Lettre de Pline, et les vers qui la paraphrasent ne sont pas de Catulle. Tout cela, en vérité, est de même parure, et digne du siècle.

Il est vrai que Jean Jaques écrit mieux; mais en vérité c'est un homme d'esprit qui se conduit comme un sot. Toutes les aparences sont qu'on le fera repentir d'avoir voulu mettre le feu dans la parvulissime qu'il a quittée. Vous avez vu par ma dernière Lettre combien il est méchant. Je ne reviens point de mon étonnement qu'un homme qui s'est dit philosophe joue publiquement le rôle d'un délateur et d'un calomniateur. Vous m'avez incendié, dit-il, incendiez donc aussi mon confrère. J'ai fait mal, mais il a fait pis. Ce n'est pas ainsi, ce me semble, que Socrate parlait aux Athéniens. Je vois que le grand deffaut de Jean Jaques est d'être enragé contre le genre humain; il a là une bien vilaine passion.

Je suis toujours bien surpris que vous n'aiez pas reçu encor le paquet du médecin anglais. J'espère qu'il ne tardera pas, et que vous en aurez d'autres incessamment. Omer est longtemps à s'échaffauder. Je ne désespère pas que Jean Jaques ne lui écrive pour le prier de se hâter un peu.

Vous devez à présent avoir reçu des nouvelles de la destruction de Jerusalem, avec une petite Lettre pour Archimède Protagoras.

Je vous embrasse en 1765 comme en 1764.