1777-04-30, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Joseph Panckoucke.

On vous envoie, monsieur, sous l'enveloppe de m. le comte de Vergennes, un extrait assez intéressant des mémoires Noailles-Millot.
On souhaite passionnément que ces petits amusements vous soient de quelque utilité. J'avais déjà ces mémoires dans ma petite bibliothèque, et l'on vient de m'en apporter un nouvel exemplaire par la voie de m. Luneau de Boisjermain. Il est accompagné du fatras le plus savant et le plus impertinent que j'aie jamais lu. C'est l'histoire véritable des temps fabuleux. Si j'étais plaisant il y aurait un plaisant extrait à faire de ce déplaisant galimatias. Je n'ai pas envie de rire, cependant je m'égayerai à dire un mot de ce pédant en us, nommé Guérin du Rocher, prêtre.

Je suis bien en peine de l'affaire de m. Delisle de Sales. Son livre assurément ne méritait pas ce vacarme. Je ne peux pas dire qu'il ait été de tous les hommes le plus cruellement persécuté, car il y a dix ans il existait un chevalier de La Barre, petit-fils d'un lieutenant général des armées du roi. Les Français seront toujours moitié tigres et moitié singes. Ils se réjouiront également à la Grève, et aux grands danseurs de corde du boulevard.

Mes très humbles compliments, je vous en prie, à m. et à made Suard, et à tous nos amis.