Londres, 7 Février, 1756
Monsieur,
Je vais vous faire part d'une histoire assez singulière, qui vient de m'arriver avec Mr. Garrick, à vôtre occasion.
Je ne sçais point si Mr. Noverre fils vous a fait voir, ainsi que je l'en avoit prié, une traduction prétendue, d'un discours addressé en forme de lettre au peuple d'Angleterre, concernant l'affaire des danseurs François. Ce discours, c'est moi qui l'ai fait; et quoique, à la sollicitation du libraire Anglois, il eût été imprimé sous le nom auguste de Voltaire, il ne faut cependant être grand Grec pour s'appercevoir qu'il sont d'une jeune facture. Enfin, le livre s'est bien vendu, et plus de la moitié des lecteurs ont cru, et croyent encore, qu'il est de Mr. de Voltaire. Voici ce qu'en dit, entre autre chose, le January's Monthly Review. “The Author, by comparing the conduct of our ancestors, endeavours to show us to the world in a despicable light…. If it be not wrote by Mr. Voltaire, it is, at least, a good imitation of his manner.” Après cela, jugez si le commun des lecteurs Anglois, gens de pudding et de bière, ont donné dans le panneau. Outre cela, un certain Rousselet commédien, ou danseur François, s'est mêlé d'en faire une critique, qui est imprimée et publiée. Enfin, ce discours a excité de grandes disputes à Cambridge….