1777-03-07, de Voltaire [François Marie Arouet] à Philippe Antoine de Claris, marquis de Florian.

Mon cher ami, j'ai reçu et lu hier vos deux mémoires.
J'ose penser que tous ceux qui les éxamineront en penseront comme moi. On pourait prendre à partie le procureur du Roi Petit, et le conseiller. Mais probablement vous ne vous embarquerez pas dans un nouveau procez, après avoir consumé une année à obtenir une sentence favorable, qui vous aura coûté vôtre repos et vôtre argent.

Jouïssez de vôtre triomphe, et revenez chez vous le plutôt que vous pourez. Je fais mille compliments à la décrétée d'ajournement personnel, et je ne mets point ma langue dans ma poche quand je la félicite. Bijou vous attend avec impatience; vous verrez en arrivant des boutons et des fleurs; mais vous ne verrez pas de nouvelles maisons bâties. La Colonie n'a pas trop prospéré cette année; l'épuisement a été extrême; je mourrai sans avoir pu achever mon ouvrage; vous aiderez Made Denis à le finir. Vous laisserez un assez joli monument de vôtre goût et de vôtre amitié pour moi.

Il me semble que j'ai ouï dire que mr D'Aubenton, qui travaillait avec Mr De Buffon à l'histoire naturelle, est mort. Je supose que son fils lui a succèdé, non pas dans ce travail, mais dans la place de substitut de Mr L'Intendant à Montbar. Je supose encor qu'il est parent et ami d'un Mr D'Aubenton, avocat à Dijon; si celà est, je vous suplie de vous en informer quand vous aurez quelque moment de libre; mais surtout revenez voir Bijou; vous ranimerez la colonie et moi; nous mourons tout deux.

Je vous embrasse bien tendrement.

V.