1773-07-10, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louis Gaspard Fabry.

Monsieur,

Nous sommes toujours bien sensibles Made Denis et moi à vos bontés.
Il est certain que Mr Rendu a été bien vite dans cette affaire, et qu’il n’y avait nulle raison de décréter deux citoiens de prise de corps parce que leurs femmes avait décoëffé d’autres femmes, que c’est faire un étrange abus de la dignité de juge de village que de faire d’un trait de plume pour plus de cinquante écus de frais à des laboureurs, de les détourner de leur travail, de les mettre en prison sans aucun sujet, de les interroger étant yvre, de prononcer devant eux et devant leurs femmes les mots les plus indécents et les plus grossiers, de leur dire à plusieurs reprises, f…. Mesdames, f…. Mesdames on ne m’avait pas dit celà, je ne savais pas celà.

Il y a sans doute, Monsieur, de quoi prendre ce juge à partie, et de quoi le faire condamner à paier les frais du procez et à être admonesté.

Cette affaire peut se poursuivre à Dijon. Vous avez grande raison de dire qu’il faudrait l’assoupir, et le meilleur moien peut être serait que le sr Rendu ne rendit aucune sentence; suposé qu’en effet il fût yvre le jour qu’il procéda à l’interrogatoire, c’est ce que dit tout le village; et je ne garantis rien. Mais en général je pense comme vous, qu’il faut assoupir toutes ces petites affaires qui ne servent jamais qu’à ruiner les pauvres.

J’ai l’honneur d’être avec la plus respectueuse reconnaissance

Monsieur

Vôtre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire