1777-02-18, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Baptiste Dutertre.

Je vous suis très obligé, monsieur, de m'avoir mis au fait de toutes mes misères. Vous êtes un bon médecin qui non seulement connaît les maladies, mais qui les guérit.

Je vivrai comme je pourrai. Vous n'aurez rien à rembourser par cette économie, et s'il faut en user de même pour le mois de mars, je me priverai encore du nécessaire. Peut-être que dans cet intervalle nous pourrons fléchir nos illustres et injustes débiteurs le duc de Bouillon et le maréchal de Richelieu.

M. d'Ailli m'a fait signer avec m. le duc de Bouillon un acte qui doit être entre vos mains, par lequel je devais être payé sur son gouvernement d'Auvergne. Je croyais la chose en règle. Ma créance était originairement homologuée à la chambre des comptes, et ne devait pas péricliter; mais il me paraît que m. le duc de Bouillon ne peut trouver mauvais que je me joigne aux autres créanciers qui ont fait valoir leurs droits judiciairement. Je vous supplie, monsieur, d'en charger le fondé de procuration que vous employez dans ces affaires.

Je vois que le peu qui me reste à Paris ne pourra suffire cette année 1777 à m'acquitter de ce que je dois à Ferney pour les maisons que j'ai fait bâtir. Il faudra donc que mes neveux attendent comme moi le débrouillement de mes affaires, et qu'ils ne soient payés qu'à la fin de 1778, de la petite pension qu'ils ont bien voulu accepter. Ils recevront alors deux années; et si je meurs dans l'intervalle, ils trouveront dans ma succession de quoi se dédommager.

A l'égard de m. Marchand, s'il ne paye pas les deux mille francs par mois qu'il a promis sur sa parole d'honneur, il faudra saisir aux ferms générales sans difficulté, et ne donner son désistement que quand il aura payé tout ce qu'il doit.

Je crois avoir répondu, monsieur, à tous les articles de votre lettre; mais je ne vous ai pas assez remercié du bon office que vous me rendez en me faisant connaître mes affaires. Je ne puis y remédier qu'en pressant mes débiteurs; et j'espère que m. de Richelieu pardonnera à mon fondé de procuration d'avoir agi par les voies judiciaires qui sont devenus indispensables.

Je vous réitère mes sensibles remerciements &a.