1777-01-20, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louis François Armand Du Plessis, duc de Richelieu.

J'ai recours à vous, Mgr.
Après soixante ans de bontés vous ne m'abandonnerez certainement pas. Je suis ruiné, et ce n'est pas ma faute. J'ai entrepris depuis cinq ou six ans de bâtir une ville et d'y établir plus d'une manufacture utile à l'état. J'avais été protégé sous le ministère de M: Le Duc De Choiseul. Je n'ai pas aujourd'hui le même avantage. Il ne me reste que la satisfaction d'avoir tout fait à mes dépends, sans avoir le moindre intérêt dans l'entreprise. Mais je ne veux point mourir banqueroutier à l'âge de 83 ans. Vous me devez plus de dix sept mille francs d'arrérages. Je vous demande en grâce de m'en faire paier neuf mille pour apaiser des créanciers auxquels il faut du pain. Toutes les autres ressources m'ont manqué tout à coup. Je vous conjure de ne pas me rebuter dans la détresse extrême où je me trouve. Pardonnez à une importunité qui coûte à mon coeur.