1777-01-01, de Cosimo Alessandro Collini à Voltaire [François Marie Arouet].

Mon cher Protecteur,

Permettez que je profitte de la nouvelle année pour me rappeller dans votre souvenir, et pour vous souhaiter toutes les prospérités qui peuvent vous rendre heureux.
Puissiez-vous, mon cher Bienfaicteur, vivre aussi longtemps que je le désire! J'aurai toujours un nouveau plaisir à vous réitérer les témoignages de ma reconnoissance: elle sera éternelle, et je n'oublierai jamais que je vous dois tout. Recevez avec bonté ces voeux sincères; recevez les de ma femme et de mes enfants.

Je vis assez tristement dans ce Pays, et si je n'étois pas au milieu de ma famille, je serois à plaindre. Je me consolerai de tout, si je sais que vous vous portez bien, et que vous diagnez quelque fois vous ressouvenir de moi. Mais comment puis-je m'en flatter? Vous n'étes jamais dans le cas de me donner aucun de vos ordres. Notre Cour est devenue tout-à-fait allemande; elle a renoncé aux spectacles François et Italiens, et n'a aujourd'hui que des Comédies allemandes. A-t-on senti à Ferney un tremblement de Terre qui a un peu allarmé notre Ville la nuit du 27 au 28 du mois passé?

Les sentiments dont je suis pénétré pour mon Bienfaicteur, dureront autant que ceux que je dois à l'homme immortel qui a fait la gloire de notre siècle.

J'ai l'honneur d'être avec un profond respect,

Mon cher Protecteur

Votre-très-humble et très-obéissant serviteur

Colini