Mannheim ce 1er Janvier 1777
Mon cher Protecteur,
Permettez que je profitte de la nouvelle année pour me rappeller dans votre souvenir, et pour vous souhaiter toutes les prospérités qui peuvent vous rendre heureux.
Puissiez-vous, mon cher Bienfaicteur, vivre aussi longtemps que je le désire! J'aurai toujours un nouveau plaisir à vous réitérer les témoignages de ma reconnoissance: elle sera éternelle, et je n'oublierai jamais que je vous dois tout. Recevez avec bonté ces voeux sincères; recevez les de ma femme et de mes enfants.
Je vis assez tristement dans ce Pays, et si je n'étois pas au milieu de ma famille, je serois à plaindre. Je me consolerai de tout, si je sais que vous vous portez bien, et que vous diagnez quelque fois vous ressouvenir de moi. Mais comment puis-je m'en flatter? Vous n'étes jamais dans le cas de me donner aucun de vos ordres. Notre Cour est devenue tout-à-fait allemande; elle a renoncé aux spectacles François et Italiens, et n'a aujourd'hui que des Comédies allemandes. A-t-on senti à Ferney un tremblement de Terre qui a un peu allarmé notre Ville la nuit du 27 au 28 du mois passé?
Les sentiments dont je suis pénétré pour mon Bienfaicteur, dureront autant que ceux que je dois à l'homme immortel qui a fait la gloire de notre siècle.
J'ai l'honneur d'être avec un profond respect,
Mon cher Protecteur
Votre-très-humble et très-obéissant serviteur
Colini