1767-03-02, de Cosimo Alessandro Collini à Voltaire [François Marie Arouet].

Mon cher Protecteur,

Je ne pouvois avoir à Paris de plaisir plus sensible que celui que m'a causé la lettre que vous avez daigné m'écrire.
Cette bonté de votre part m'est prétieuse; je vous en remercie. Je suis ici depuis trois semaines, et j'en parts après demain. Je me suis amusé à la Comédie, à l'opéra, au Bal. J'ai vû votre Tancrède. Je ne sais si ce sont mes entrailles tudesques, ou quoi, mais Madlle Dubois ne m'a pas tant touché que je l'aurois cru. Vivez longtemps pour vos compatriotes qui vous aiment, et qui parlent toujours de vous: vivez pour toute l'Europe qui vous admire. Si on m'avait proposé l'alternative d'aller à Paris ou à Ferney, je n'aurois certainement vû ni Tancrède, ni Eugénie, ni Bérénice, ni Thésée, ni la Reine de Golconde, ni le Bal de l'Opéra, ni la Foire de st Germain, ni Nicolet&c., et j'aurois eu plus de plaisir qu'à tout cela. Dans trois semaines je serai de retour à Mannheim. J'aurai pour vous toute ma vie l'attachement le plus tendre et la plus vive reconnoissance.

J'ai l'honneur d'être avec un profond respect

Mon cher Bienfaicteur

Votre très humble et très obéissant serviteur

Colini

Je présente mes très humbles respects à Made Denis.